CHRONIQUES, ROMAN CHILIEN

Juan Pablo RONCONE

CHILI

Juan Pablo Roncone est né à Arica en 1982. Après des études de Droit, il est avocat à Santiago. Il a été sélectionné parmi les meilleurs jeunes écrivains hispano-américains.

Cerf, mon frère

2011 / 2023

La révélation d’un talent nouveau, voilà ce qu’est la publication de ce Cerf, mon frère du Chilien Juan Pablo Roncone. Sans rien révolutionner en profondeur, ces huit textes donnent l’impression de découvrir une personnalité littéraire qui a déjà créé un univers bien à lui, à la fois très ancré dans une ville familière, Santiago, et une place personnelle, celle d’un Chilien moyen cultivé et paumé, qui peine à vivre pleinement ce dont il aurait rêvé, c’est-à-dire s’épanouir.

Ces huit nouvelles forment comme une série de variations autour de thèmes et de personnages qui se ressemblent, ce qui donne au recueil une belle unité.

Le narrateur est souvent un étudiant un peu à la dérive pour diverses raisons, avec une désespérance qui l’a pris sans qu’il sache bien pourquoi et comment, dont il souffre, mais il ne fait pas grand chose pour s’en débarrasser. Sa petite amie subit elle aussi, mais avec une certaine distance, beaucoup des jeunes narrateurs avouent qu’ils ne sont pas amoureux, qu’ils restent avec leur copine par routine. Santiago est un décor qui revient aussi le plus souvent et, quand le jeune homme s’en échappe, c’est pour trouver une vie provisoire encore plus vide. Il a une famille, et les liens avec la mère, le beau-père ou le frère ne sont pas chaleureux, l’indifférence réciproque est leur quotidien.

Un peu comme Proust, ces protagonistes sont des « écrivains en devenir », ils n’ont pas écrit une ligne mais se le proposent indéfiniment ou croient le faire. Ce sont des jeunes gens ou des adultes qui ne  savent pas, n’ont jamais su partager leurs joies, leurs peines, leurs doutes, n’osent pas se dévoiler, même face aux proches qui sont identiques et qui ne peuvent pas davantage se livrer. Ils vivent, vont à l’université, dialoguent avec leurs camarades, mais il leur manque l’essentiel.

La vie (la jeunesse ou une naissance à venir) et la mort (de proches, de très proches souvent) jouent un jeu subtil, il ressort une subtile mélancolie de ces lectures, prenantes, un peu mystérieuses, pleines  d’insatisfaction. Plusieurs des personnages secondaires se suicident, jamais le protagoniste qui, malgré le poids de l’inabouti, ne lâche pas. Si ses sentiments ne s’expriment pas, s’il ne peut pas les exprimer, ils sont bien là, cachés quelque part au fond de leur être, c’est dans ces récits qu’ils apparaissent, rendant le lecteur un témoin privilégié de ces souffrances qui ne sont pas des drames absolus, Juan Pablo Roncone réussit à ne jamais être lourd, bien au contraire, sa subtilité, sans les mots choisis, dans les rythmes de ses récits, ajoute encore à l’émotion créée par ses histoires. Plusieurs des nouvelles sont composées de très courts paragraphes pleins d’une apparente banalité et qui se terminent  abruptement, laissant une question ou une émotion en suspens et, pour nous, une certaine frustration abolie par le paragraphe suivant.

Premier ouvrage de Juan Pablo Roncone traduit en français, ce Cerf, mon frère est extrêmement prometteur. Un roman de lui, primé au Chili, n’est pas encore édité. Qu’attendent les éditeurs, chiliens et français ?

Cerf, mon frère, traduit de l’espagnol (Chili) par Jacques Aubergy, éd. L’atinoir, 134 p., 13 €.

Juan Pablo Roncone en espagnol : Hermano ciervo, ed. Marbot, Barcelone.

MOTS CLES : CHILI / PSYCHOLOGIE / FAMILLE / SOCIETE / VIOLENCE / EDITIONS L’ATINOIR.

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