CHRONIQUES, ROMAN ARGENTIN

Alicia DUJOVNE ORTIZ

ARGENTINE / PARAGUAY / FRANCE

Alicia Dujovne Ortiz est née à Buenos Aires en 1940, fille d’une romancière et d’un militant politique. Elle est journaliste, auteure de pièces de théâtre, de biographies, de récits pour la jeunesse et d’une dizaine de romans. Elle vit en France depuis 1978. Ses oeuvres sont traduite en plus de vingt langues.

La maréchale rousse

2014 / 2023

Elisa Alicia Lynch, née en 1834 à Cork, dans une Irlande en pleine famine (les récoltes de pommes de terre ont été pourries par la maladie) dans une famille qui fut puissante, désormais ruinée, se sent étrangère où qu’elle soit. Un premier mariage, à 16 ans avec un chirurgien militaire de 40 ans qui la mène en Algérie où il exerce se termine assez vite. Elle reprend sa liberté et rencontre, dans un salon parisien le général paraguayen Francisco Solana López qui devient très vite Pancho et qu’elle suivra désormais jusqu’au bout du monde.

Alicia Dujovni Ortiz suit de près la destinée extraordinaire de cette belle femme contrainte de passer sa vie entre une discrétion imposée (officiellement elle n’est pas mariée au général qui devient, à la mort de son père, président-dictateur d’un pays qui ne manque pas d’atouts ; elle sera la mère de ses 7 enfants) et la lumière (nul n’ignore sa situation de conjointe et elle a, dit-on, une nette influence sur les décisions prises par son époux). Elle passe sa vie aussi entre deux continents, quatre pays (Irlande, France, Algérie, Paraguay) qui ont des systèmes de pensée extrêmement différents. Entre l’adolescente jeune mariée qui suit son mari en pays étranger et la veuve qui se bat pour récupérer ses droits spoliés au Paraguay, elle est tour à tour courtisane parisienne, puis première dame (reléguée dans l’ombre) d’une nation en plein développement et enfin héroïne de guerre.

Le récit à la première personne est dense et passionnant. Il en ressort un souffle de féminisme, de liberté conquise, qui rend optimiste. Pour Elisa, les obstacles ne cessent de se dresser sur sa route, elle est la plupart du temps incomprise de tous, des collègues de son « mari » et encore plus de leurs femmes, des rudes guerriers qui la voient comme une femme entretenue et des femmes qui la jalousent. Et pourtant, elle lutte, se relève et surtout reste digne.

Ce récit, elle le fait à Paris, rue de Clichy, dans le salon de Victor Hugo qui a accepté de la recevoir, intrigué par cette quadragénaire qui revient d’un pays à peine connu pour plaider une cause fragile. Dans le salon, Juliette Drouet, Judith Gautier, la fille de Théophile et Franz Liszt, désormais prêtre, l’écoutent, entre l’étonnement, la désapprobation et l’admiration. Parviendra-t-elle à les convaincre de sa bonne foi ?

La maréchale rousse pourrait être un froid traité historique, tout ce qui y est conté est absolument vrai, autour du pouvoir absolu au Paraguay, des guerres, de la diplomatie internationale, de la colonisation aussi. Vu de l’intérieur, depuis la personnalité d’Elisa, tout est différent, d’autant qu’Alicia Dujovne Ortiz a eu la bonne idée de faire intervenir l’autre facette de la dame rousse, Alicia (son deuxième prénom) qui dialogue avec Elisa, lui fait des reproches, lui propose des solutions. Au centre de tout se trouvent les réactions d’une femme qui, froidement, avec un point de vue européen, se réduirait à une aventurière sans scrupules, nous apparaît comme une battante qui défend non seulement elle-même  mais surtout les siens, enfants et conjoint, une femme généreuse et courageuse qui saura toujours garder un certain sens de l’honneur.

La maréchale rousse, traduit de l’espagnol (Argentine) par Jacques Aubergy, éd. L’atinoir, 247 p., 14 €.

Alicia Dujovne Ortiz en espagnol : La Madama, ed. Emecé / Eva Perón, la biografía, ed. Aguilar / María Elena Walsh, ed. Júcar /Dora Maar : prisionera de la mirada, ed. Vaso roto.

MOTS CLES : PARAGUAY / FRANCE / ARGENTINE / HISTOIRE / BIOGRAPHIE / FEMINISME / GUERRE / SOCIETES / PSYCHOLOGIE / EDITIONS L’ATINOIR.

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