CHRONIQUES, ROMAN BRESILIEN

José FALERO

BRÉSIL

José Falero est né à Porto Alegre en 1987. Il a vécu ses premières années dans un bidonville et a pratiqué divers métiers dans la construction, la restauration… et dans un supermarché. Supermarché est son premier roman.

Supermarché

2020 : 2022

Deux hommes se partagent la vedette, avec, en arrière plan, deux ou trois comparses dont M. Geraldo, le directeur d’un supermarché dans un quartier un peu bourgeois de Porto Alegre. Deux de ses rayonnistes, autrement dit des hommes à tout faire dans l’établissement, Pedro et Marques que M. Geraldo soupçonne de lui choper diverses marchandises dans la réserve, mais qu’il a du scrupule à mettre à la porte. Il n’a aucune preuve contre euxet, en plus, ce sont les meilleurs professionnels de son équipe. Pedro est un grand lecteur, de Marx en particulier, et Marques est un auditeur consciencieux des discours de son collègue et ami.

La théorie sur le fonctionnement de l’économie moderne et mondiale énoncée par Pedro est un modèle qu’on devrait imposer dans les écoles spécialisées à former ceux qui s’intituleront économistes, qu’on lit dans les revues sérieuses, qu’on entend à la radio, qui se plantent la plupart du temps (et pas qu’un peu) dans leurs prévisions.

Mais une théorie ne suffit pas, il faut passer à la pratique et enfin accéder à la richesse (Marx a-t-il été correctement digéré ?). Or passer à la pratique est facile : ils vendront de la marijuana. Le hic, qui apparaît dès le premier jour de l’entreprise, c’est d’appliquer la belle théorie de Pedro et son concept social, voire carrément socialiste (l’égalité, la confiance, etc.) se révèle d’une complexité inattendue et insoluble.

Sous des aspects de comédie constamment drôle par ses situations et surtout son langage, José Falero dresse très habilement un tableau désabusé de la société brésilienne (pas seulement brésilienne, d’ailleurs), les inégalités sociales, le rapport à l’argent, ce qu’on nomme la réussite, le regard des autres. Si l’auteur semble ne plus se faire aucune illusion sur les réalités économiques mondiales et régionales, il s’en amuse avec une ironie, un humour cynique qui est une des grandes réussites du roman. Un autre mérite est la langue utilisée, celle des jeunes néo-délinquants, brillamment traduite dans un français plein de saveur populaire, la tchatche convaincante de Pedro et la lourdeur sympathique de Marques qui refuse,  proteste, consent, accepte et finit plus enthousiaste encore que son pote : deux hommes, pas des héros, quoique…

Quant aux arguments longuement exposés par Pedro, ils sont déroutants, tordus, mais leur conclusion est finalement d’une évidence confondante. Pedro décidément est un véritable philosophe doublé d’un économiste doué.

Alors, la morale dans tout ça ? Supermarché oblige à rire en la laissant de côté. Il n’est ni amoral, ni immoral, il est extra-moral ! Tout en débordant d’humour, il est aussi purement social, chaque chapitre offre une surprise, les émotions ne manquent pas, l’émotion tout court non plus. Oui, on est clients de ce Supermarché, révélation de cette rentrée littéraire de 2022. Un pur plaisir qu’on n’a pas volé !

Supermarché, traduit du portugais (Brésil) par Hubert Tézenas, éd. Métailié, 336 p., 22 €.

José Falero en portugais : Os supridores, ed. Todavia, São Paulo.

MOTS CLES : BRESIL / HUMOUR / AVENTURES / SOCIETE / PSYCHOLOGIE / AMITIE / EDITIONS METAILIE.

En lisant ce Supermarché, on peut penser à un roman argentin dont le thème est voisin, La nuit de l’Usine de Eduardo Sacheri. Voici mon commentaire :

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