CHRONIQUES, ROMAN D'AMERIQUE CENTRALE

Horacio CASTELLANOS MOYA

SALVADOR

Né en 1957 à Tegucigalpa, Horacio Castellanos Moya est un journaliste et romancier salvadorien. Après des études internationales, il s’installe dans son pays mais il est contraint de s’exiler suite à la publication de son roman El asco; Thomas Bernhrad en San Salvador qui lui vaut des menaces de mort. Il a vécu successivement dans plusieurs régions du monde. Il réside aux États-Unis où il enseigne.

L’homme apprivoisé

2022 / 2023

Erasmo Aragón, qu’on a déjà croisé à plusieurs reprises dans l’œuvre romanesque d’Horacio Castellanos Moya (Le rêve du retour, Moronga), 51 ans, vit désormais exilé en Suède. Il s’y est installé depuis six mois avec Josefin, une infirmière suédoise qui l’a soigné pour une dépression dans une clinique des États-Unis où il enseignait la littérature. Il a bien du mal à trouver un équilibre personnel, balloté d’un pays à l’autre, Salvador, Mexique, États-Unis, Suède à présent, avec, la peur le tenaillant, une peur chronique : le malheur sous toutes les formes possibles lui tombe dessus. Le monde qui l’entoure le dégoûte, un regard innocent porté sur une passante inconnue (il a en permanence une attirance marquée pour toute silhouette féminine) peut être mal jugé : sa paranoïa naturelle s’alimente de cette ambiance qui se généralise de nos jours, d’autant que ce qui a motivé ses soucis américains a été une fausse accusation à son encontre.

À Stockholm, il vivote avec Josefin qu’il ne voit que très peu, ses gardes à l’hôpital la retiennent beaucoup hors du petit appartement, il traduit parfois des pages techniques qui lui rapportent trois sous, il parvient à rester sobre, ses médicaments ne faisant pas bon ménage avec l’alcool, mais il est conscient de sa fragilité. Tiendra-t-il ?

Horacio Castellanos Moya décrit de l’intérieur, dirait-on, l’état pitoyable de cet universitaire et journaliste déchu, malade de peur qui a perdu depuis des lustres  toute estime de soi, s’il l’a sentie un jour. Il est pitoyable, mais aussi ridicule dans ses excès.

Tout est minutieusement décrit, les pertes de mémoire, la perception du temps qui fluctue en fonction de l’état d’esprit, les obsessions qui reviennent au pire moment, et surtout l’oubli de ce qu’il est vraiment, de ce qu’est sa véritable personne. Il est absent à lui-même. Les phrases, les mots, sont simples, Horacio Castellanos Moya n’utilise aucun effet, ce qui glace. La situation d’Erasmo, terrible, ne s’accompagne pas de sentiments, mais de sensations, d’actions surtout, dont la plupart n’ont ni d’explication ni de raison. Le corps commande (boire, manger, déféquer), l’esprit est trop troublé pour prendre le dessus.

120 pages peuvent faire un grand, un très grand livre. L’homme apprivoisé en est un, un de ceux qu’on relira un jour, un de ceux qui restent.

L’homme apprivoisé, traduit de l’espagnol (Salvador) par rené Solis, éd. Métailié, 126 p., 17 €.

Horacio Castellanos Moya : El hombre amansado, ed. Random House.

Horacio Castellanos Moya en français est essentiellement publié aux éditions Métailié.

MOTS CLES : SALVADOR / ETATS-UNIS / SUEDE / PSYCHOLOGIE / FOLIE / SOCIETES / HUMOUR / POLITIQUE / EDITIONS METAILIE.

Un autre roman d’Horacio Castellanos Moya a été commenté sur AnnA : La mémoire tyrannique :

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