CHRONIQUES, ROMAN ARGENTIN

Eduardo Fernando VARELA

ARGENTINE

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Né en 1960, auteur de scénarios pour le cinéma et la télévision, Eduardo Fernando Varela publie en 2020 son premier roman, Patagonie route 203. Il vit entre l’Argentine et Venise.

Roca Pelada

2023

« Au bout du monde », entend-t-on dire parfois. C’est où, le bout du monde ? Roca Pelada se trouve tout en haut du monde, à 4980 mètres d’altitude. C’est aussi un poste frontière entre deux pays voisins, amis en principe mais qui se soupçonnent mutuellement de vouloir grignoter un ou deux kilomètres carrés de-ci de-là, ce qui justifie la présence permanente de militaires dans ce désert inhospitalier sec, vide, seulement rempli par le ciel.

Le responsable des lieux, du côté de la Garde-Frontière, le lieutenant Costa, passe ses jours à observer les mouvements de ses voisins, ceux du côté de la Ronde des Confins (occupée par les carabouffons, comme les nomme Costa) et à tenter de donner un minimum d’éducation au sergent Quipildor, mission quasi impossible.

La vie s’écoule, discipline militaire de principe qui se maintient comme elle peut, attente du train de ravitaillement qui se fait cruellement désirer et préparation de beignets en prévision de la petite fête (non réglementaire).

Le paysage est féérique dans sa grandeur hors du temps, avec ses météorites venues du ciel qui illuminent la nuit. Les hommes sont tout le contraire, statiques, minuscules, mesquins. L’effet de contraste est soit   affligeant, soit cocasse.

La frontière ondule, semble se déplacer microscopiquement de temps en temps, des images surréalistes pointent leur nez ou leur mufle si un troupeau congelé apparaît soudain, on est dans un drôle de monde. Drôle et plein d’une poésie incongrue, d’ailleurs il y a longtemps que le nord a été perdu.

Sous la forme de l’humour, paraît constamment l’idée de la hiérarchie des choses. Tout en haut s’impose la valeur la plus essentielle, vie, mort, au-delà, avec des conceptions qui peuvent être différentes d’une civilisation à une autre, entre Indiens et Occidentaux par exemple, mais le fond est forcément universel. Qu’est ce qui est vraiment important en ce monde ? Quelques mètres carrés de frontière entre deux pays jumeaux ? Trois ou quatre météorites tombées dans l’immensité désertique des sommets ? L’impolitesse répétée d’un subordonné ? Le salaire qui tombe chaque mois et qui est inutile au milieu de ce désert ? Le paysage grandiose des volcans, un ciel d’une pureté oubliée par nous tous, habitants des villes ? Les richesses de l’esprit humain qui s’efface devant la grossièreté étalée par les médias sont toujours là mais ont été reléguées au second plan. Heureusement pour Costa l’arrivée inattendue d’un alter ego dans le poste adverse lui redonne le sens de certaines valeurs (et vice-versa).

Imagination débridée, humour qui ne diminue pas au long des pages, une foule de thèmes évoqués (en vrac : nationalisme, autorité, racisme social, amitié, trahison, empire des apparences plus quelques autres), sans oublier une pointe de poésie sauvage, cela fait un bon, un très bon roman.

Roca pelada, traduit de l’espagnol (Argentine) par François Gaudry, éd. Métailié, 352 p., 22,50 €.

Eduardo Fernando Varela en français : Patagonie route 203, éd. Métailié.

MOTS CLES : ARGENTINE / HUMOUR / SOCIETES / PHILOSOPHIE / PSYCHOLOGIE / EDITIONS METAILIE.

Voir mon commentaire du premier roman d‘Eduardo Fernando Varela, Patagonie route 203 :

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